Philosophie

De tout temps, les arts martiaux chinois ont véhiculé une image de maîtrise, autant du point de vue de la technique guerrière que de celui du mental. Nombreuses sont les histoires vantant les mérites d’un pratiquant vivant selon les principes philosophiques que son maître lui a enseignés, en regard de celui qui ne fait qu’appliquer les techniques apprises et qui bascule rapidement dans une moralité indigne.

La perception commune du pratiquant est aujourd’hui essentiellement basée sur la connaissance de ces récits et légendes, sous forme d’écrit ou de média moderne (cinéma, télévision, internet, …).

« Privé de philosophie le pugiliste n’a d’autre devenir que celui d’une machine de combat »

Souvent présentée sous un aspect très ésotérique, la philosophie des arts martiaux chinois s’est constituée à partir de différentes religions telles que le Taoïsme, le Bouddhisme ou le Confucianisme. 

Il en résulte une sagesse essentiellement tournée vers l’homme et la nature, qui superpose à la progression technique l’éducation morale de chaque pratiquant. Basée sur des principes d’esprit chevaleresque, de noblesse et de grandeur d’âme, cette philosophie se pratique et se vit avant tout. Pouvoir énoncer les principes philosophiques inhérents à la pratique ne sert à rien tant que ces mêmes principes ne sont pas appliqués dans la vie quotidienne du pratiquant.

Au cours de l’histoire, chaque école, par le biais de son maître, a transmis la philosophie correspondant à son style. Toutefois, il existe une base commune à toutes ces philosophies, le Shaolin Wude. Sous la forme d’une énumération de 10 principes, le Shaolin Wude expose les principales qualités du coeur et des actes que chaque pratiquant doit s’appliquer à acquérir durant son apprentissage.

Le Shaolin Wude constitue l’essence même de l’enseignement au sein de l’école Wuhun.

Les engagements du coeur

respect

Le respect est le plus important et le plus profond de tous les engagements. Respect de la famille, du maître, des enseignants, des élèves avec lesquels un pratiquant partagera son apprentissage, mais avant tout respect de soi. Car comment peut-on respecter les autres ou espérer se faire respecter si l’on ne se respecte pas soi-même ?

On ne peut demander le respect, il se gagne au travers du respect des autres.

Humilité

L’humilité provient du contrôle de ses émotions. Un pratiquant trop fier de lui, ou satisfait par ses résultats, fussent-ils excellents, perd son envie d’apprentissage et de perfection. Dès lors, il cesse de progresser et stagne dans ses défauts sans s’en rendre compte. Il doit toujours avoir à l’esprit qu’il existera toujours quelqu’un de meilleur que lui et qu’il doit donc continuer à apprendre pour se perfectionner.

Un bon pratiquant doit rester humble vis-à-vis des autres et dans chacun de ses actes.

Droiture

La droiture est un chemin de conduite. Faire ce qui est juste.

 Ainsi, chaque acte doit toujours être commandé par la réflexion, non par les émotions.

Un acte émotionnel est rarement juste et traduit trop souvent les ambitions ou les craintes d’une personne.

Une personne dont les actes traduisent la droiture est naturellement respectée de tous.

Confiance

Chaque pratiquant se doit d’être une personne digne de confiance. La confiance inclut la confiance en ses professeurs et les autres pratiquants, mais surtout la confiance en soi. Il est donc nécessaire de développer une personnalité en laquelle les autres peuvent avoir confiance. 

Aucune promesse ne doit être faite à la légère. Il faut respecter chacun de ses engagements.

Il est aussi difficile de gagner la confiance d’un ami qu’il est facile de la perdre.

Loyauté

La loyauté est la clé de voute de la confiance. Un pratiquant doit rester loyal envers son maître et envers ses amis. De même ceux-ci resteront loyaux envers lui. La tradition de l’apprentissage des arts martiaux a depuis longtemps été basée sur la loyauté entre l’élève et le professeur, le disciple et le maître. Cette loyauté se construit par un engagement d’obéissance de la part de l’élève et par un engagement d’enseignement par le professeur.

Celui qui veut apprendre doit totalement se soumettre à son professeur, ainsi naît la confiance. Un élève qui ne pense qu’à ses intérêts personnels ne trouvera pas de maître qui accepte de lui transmettre son savoir.

Les engagements des actes

Volonté

Cela peut prendre du temps de se forger une volonté de fer. Pourtant, si la sagesse gouverne les actes (et non les émotions), il est possible de dépasser ses propres barrières émotionnelles (peur, paresse, …) pour progresser. Ce sont les buts que l’on se fixe qui vont forger notre volonté à les atteindre.

La volonté est ce qui entretient et nourrit la passion de chaque pratiquant.

Endurance

Chaque pratiquant doit étudier son art en faisant preuve d’endurance. Endurance dans des conditions d’entraînement physiquement extrêmes mais aussi endurance lorsque la situation morale est difficile (critiques répétées de la part du professeur, se faire railler par d’autres élèves, …). Ces situations arrivent à tous mais peu d’élèves sont suffisamment endurants pour passer outre et continuer à s’entraîner.

Ce sont pourtant ces élèves qui parviendront à progresser malgré les épreuves.

Persévérance

La persévérance traduit l’envie de progresser. Ce n’est que dans les difficultés de l’apprentissage que l’on peut distinguer les bons pratiquants. Ceux-ci, malgré les difficultés, continueront d’étudier, car l’apprentissage des arts martiaux est fait de périodes de progression et de périodes de stagnation. Un élève ne peut se sortir d’une période de stagnation que grâce à sa persévérance.

Le professeur peut guider l’élève mais ce sera toujours celui-ci qui devra faire l’effort pour franchir les obstacles.

Patience

La patience permet au pratiquant de mieux prendre ses décisions sur la voie à suivre dans son apprentissage. Souvent, les explications d’un professeur peuvent sembler incompréhensibles voir même inadéquates à la situation. Pourtant, en faisant preuve de patience, l’élève pourra comprendre le sens de ces explications et en tirer le meilleur parti possible pour progresser.

L’endurance, la persévérance et la patience sont les manifestations d’une forte volonté.

Courage

Le courage est ce qui détermine l’action. Du courage de faire ce qui est juste naît la droiture.
Même avec des années d’entraînement, un bon pratiquant peut se faire battre dans un simple combat de rue avec un inconnu. Les circonstances de l’entraînement sont en effet sensiblement différentes de celles dans lesquelles un pratiquant pourrait se retrouver. C’est dans ces situations qu’il doit faire preuve de courage et ne pas hésiter sur l’action à entreprendre. C’est seulement à ce prix qu’il pourra gagner ce combat.

Le courage, c’est aussi (et surtout) avoir le courage de ne pas se battre. Faire taire son égo ou contrôler la situation de sorte que le combat n’ait pas lieu. Toutefois, si vraiment le combat ne peut être évité, alors il faut agir sans hésitations.

Un combat qui n’a pas lieu est un combat gagné, quelles que soient les circonstances.